La salamandre d’Europe Salamandra terrestris : emblème des forêts en bonne santé !
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Mme Bodinier, enseignante en SVT répond aux questions des élèves de la promotion Salamandre du Parcours Excellence
« - C’est un animal protégé aussi discret qu’important dans les écosystèmes forestiers.
La salamandre commune ou tachetée est un amphibien nocturne, reconnaissable à sa peau noire marbrée de jaune, parfois avec une nuance orangée, et à ses grands yeux adaptés à la vision nocturne et crépusculaire.
Elle peut vivre jusqu’à 30 ans, est capable de régénérer ses membres manquants ou ses organes abîmés, mesure plus d’une vingtaine de centimètres, et ne croasse pas, mais émet de petits grognements ou piaulements.
- Merci madame Bodinier mais la salamandre, est un amphibien, va-t-elle souffrir du réchauffement climatique, si les mares où ses larves se développent s’assèchent ? demande Hadja.
– La salamandre est originellement un animal forestier.
La première partie de son cycle de vie est aquatique, ce qui commence effectivement à poser problème aujourd’hui.
Mais contrairement aux grenouilles, elle passe le reste de sa vie sur terre, et même sous terre.
C’est d’ailleurs son nom, Salamandra terrestris.
Elle passe une grande partie de son temps entre les racines, les souches, elle se balade dans les galeries des mulots, en forêt, qui sont de véritables tunnels pour elle, des labyrinthes dans lesquels elle va chasser de petites larves, des vers de terre, des limaçons, des cloportes, etc.
Elle est donc un bon indicateur de la santé des écosystèmes forestiers.
Dans une forêt avec beaucoup de bois mort, où l’on a laissé tout le cycle de la matière vivante se réaliser, il y a abondance de litière, elle est plus épaisse, l’humus plus riche et plus profond.
Toute une microfaune à manger et plein d’endroits où se cacher : voilà le paradis de la salamandre.
On pense d’abord à l’eau, mais elle a besoin d’un maximum de bois pourrissant pour s’y réfugier et chasser.
Après, elle s’adapte, on peut la trouver secondairement dans des vignobles, de vieux murs de pierre…
Mais ce sont que quelques individus.
Les populations qui vont vraiment bien vivent en forêt.
-Quel problème précisément au début de son cycle de vie ? s’interroge Fary-Thiaba.
– Le problème, c’est qu’au printemps (ça peut aussi arriver en automne, mais en principe, selon les régions, plutôt entre mars et mai), les femelles vont au bord de l’eau.
C’est le seul moment de l’année où une salamandre adulte retourne à l’élément liquide.
Elles vont y pondent leurs œufs.
Ils éclosent justes après avoir été expulsés.
C’est un animal ovovivipare, contrairement à la salamandre noire, qui vit dans les Alpes et met au monde deux petits parfaitement formés, c’est une adaptation à la haute altitude !
La salamandre commune, dépose ses larves dans de petites mares forestières, ou encore mieux, de petits ruisseaux, car elles ont besoin d’une eau très propre, très bien oxygénée.
La contrainte, c’est qu’il faut que l’eau reste suffisamment longtemps pour qu’elles aient le temps de se métamorphoser, ce qui prend environ deux mois à deux mois et demi, en fonction de la température.
Et s’il y a des poissons, notamment des alevins de truites, des vairons…, elles vont se faire dévorées, car ils nagent bien plus vite.
Donc les salamandres n’arrivent à se reproduire que dans les tout petits ruisseaux, en tête de bassin, temporaires, car s’il n’y a pas d’eau toute l’année, il n’y a pas de poissons.
Elles pondent donc dans des vasques un peu plus profondes, et à un moment, avec l’arrivée de l’été, le niveau se réduit.
C’est une configuration particulièrement sensible lorsque que les températures s’élèvent, la pluviométrie diminue.
Le risque est évidemment que ces ruisseaux s’assèchent plus vite, empêchant leur reproduction.
La situation peut aussi se dégrader dans la rivière principale, sans eau toute l’année, si les poissons ne s’en sortent pas, peut-être qu’elles vont tirer leur épingle du jeu.
Tout dépend de la configuration locale.
- Peut-on les aider ? s’inquiète Imane.
– Oui très simplement en aménageant des vasques, aux bons endroits, en fonction de la microtopographie du petit ruisseau, il suffit de positionner quelques planches ou un tronc et ainsi créer un bassin où l’eau va plus s’accumuler, rester assez longtemps.
Et comme en forêt l’évaporation est bien plus limitée qu’en plein soleil, souvent cela peut suffire à augmenter leurs succès reproducteurs.
- La salamandre est une espèce protégée, nocturne et difficile à observer, comment arrive-t-on à les compter ? poursuit Imane
– C’est un animal discret, effectivement.
Le meilleur moyen de les recenser est de chercher les larves au printemps sur ces points d’eau, beaucoup plus faciles à voir que les adultes.
Les scientifiques qui s’intéressent aux amphibiens vont plutôt les chercher dans les milieux pionniers, les mares, les étangs, hors des forêts.
Nous avons vu en classe qu’il existe des dispositifs, des passages aménagés pour éviter que les grenouilles, par exemple, ne se fassent écraser (les crapauducs).
Mais la salamandre tachetée est moins observée, car elle n’a pas de migration saisonnière spectaculaire.
Elle connaît beaucoup de mortalité liée à la voiture, car elle se déplace lentement.
Or, elle apprécie le bitume tiède, la nuit.
Les mâles aiment se positionner sur les petites routes forestières, espace dégagé pour repérer les femelles : malheureusement, pour eux c’est très dangereux.
Comme la salamandre est en grande partie noire et plate, elle est encore moins visible qu’un crapaud ou une grenouille.
Globalement, elle est en forte régression, mais nombre d’amphibiens s’en tirent beaucoup plus mal qu’elle.
Dans les régions pas trop sèches encore bien boisées, elle est encore là, malgré des habitats fragmentés, de plus en plus petits.
Dans les régions à forte urbanisation, hors des montagnes, ce sont des populations résiduelles, isolées les unes des autres.
Sur le long terme, ce n’est pas bon du tout.
Et puis surtout il y a un autre problème, le chytride.
-Le chytride ? s’enquièrent les élèves
– C’est un champignon importé en Europe, via les Pays-Bas ; des terrariophiles ont probablement relâché des tritons exotiques infestés.
Il se développe sur la peau des salamandres, dont elles ont besoin pour respirer, et les tue en quelques jours.
Le nom scientifique de l’une des espèces de chytride, Batrachochytrium salamandrivorans, est explicite : le dévoreur de salamandre.
Dans les régions où il se développe, elles meurent toutes, ainsi que les tritons.
Le champignon avance de plusieurs kilomètres par an, et dans les régions où les amphibiens sont tous morts il demeure sous forme de spores, on ne peut même pas les réintroduire.
Les salamandres ont entièrement disparu des Pays-Bas.
Paradoxalement, ce qui pourrait les sauver, c’est que ses populations sont très morcelées.
Vous comprenez que ce n’est pas de très bon augure.
- Il n’y a pas une solution ? Se demande Sofiane
– Si l’on en trouve une malade, on peut la soigner avec des produits antifongiques.
Mais quand on la relâche dans la nature, une semaine après elle est de nouveau malade et elle meurt.
Il n’y a pas encore eu de phénomène de résistance observé.
D’une manière générale, à l’échelle planétaire, les amphibiens sont victimes d’une série de maladies de ce genre.
C’est très documenté, en Amérique Centrale par exemple, des dizaines de reinettes, de petites grenouilles colorées tropicales ont complètement disparu.
Le déclin global des amphibiens est terrible, et l’une des causes, ce sont ces maladies véhiculées par l’espèce humaine.
Leurs organismes sont vulnérables parce que les populations sont moins nombreuses.
– Le tableau pour la salamandre tachetée n’est pas très optimiste.
Mais bon s’il y a un effondrement de la totalité du réseau électrique, qu’Internet s’arrête, qu’il n’y a plus d’énergie, qu’on ne peut plus utiliser de pétrole, etc.
La salamandre se débrouillera très bien.
Il y a plus de souci à se faire, dans l’immédiat, pour notre civilisation, voire pour l’humanité, que pour elle.
Cela permet de relativiser un petit peu.
Voilà une vision presque… encourageante ! concluent les élèves ! »
La salamandre est donc un très bon indicateur bioclimatique, merci aux élèves de la promotion Salamandre du Parcours Excellence d’avoir éclairé nos éco-délégués !
Protégeons-la !